Des traces de pas fossilisées découvertes dans le parc national de White Sands, aux Etats-Unis, viennent clôturer un débat vieux de plusieurs décennies : Homo sapiens était bel et bien présent sur le continent américain avant le dernier âge glaciaire, il y a au moins 23.000 ans.
Des traces de pas datant de 23.000 ans ont été découvertes dans le sud-ouest des Etats-Unis, révèle une étude publiée jeudi 23 septembre 2021 dans Science, suggérant que le peuplement de l'Amérique du Nord par l'espèce humaine était déjà entamé bien avant la fin du dernier âge de glace, censée avoir permis cette migration.
Ces empreintes de pas ont été laissées à l'époque dans la boue des berges d'un lac aujourd'hui asséché. Il a cédé la place à un désert de gypse blanc situé au Nouveau-Mexique, dans le parc national de White Sands. Avec le temps, les sédiments ont comblé les empreintes et ont durci, les protégeant jusqu'à ce que l'érosion dévoile de nouveau ces témoignages du passé, pour le plus grand plaisir des scientifiques. "De nombreuses traces semblent être celles d'adolescents et d'enfants", écrivent les auteurs de l'étude. "Les grandes empreintes de pas d'adultes sont moins fréquentes."
Des traces d'animaux, mammouths et loups préhistoriques, ont également été identifiées. Certaines, comme celles de paresseux géants, sont même contemporaines et voisines d'empreintes humaines sur les bords du lac.
Une présence repoussée de 7.000 ans en arrière
Au-delà de l'émotion et de l'anecdote, la découverte est déterminante pour le débat qui fait rage sur les origines de l'arrivée d'Homo sapiens en Amérique, le dernier continent peuplé par notre espèce. Car la datation de traces de White Sands "indique que des humains étaient présents dans le paysage voici au moins 23.000 ans, avec des preuves d'occupation s'étendant approximativement sur deux millénaires", souligne l'étude.
Pendant des décennies, la thèse la plus communément acceptée a été celle d'un peuplement provenant de Sibérie orientale durant lequel nos ancêtres auraient franchi un pont terrestre - l'actuel détroit de Béring - pour débarquer en Alaska, puis se répandre plus au sud. Des preuves archéologiques, dont des pointes de lance servant à tuer les mammouths, ont longtemps suggéré un peuplement vieux de 13.500 ans associé à une culture dite de Clovis - du nom d'une ville du Nouveau-Mexique - considérée comme la première culture américaine d'où sont issus les ancêtres des Amérindiens.
Ce modèle de la "culture Clovis primitive" est remis en cause depuis maintenant vingt ans, avec de nouvelles découvertes qui ont reculé l'âge des premiers peuplements. Mais généralement, cette date n'allait pas au-delà de 16.000 ans, après la fin du "dernier maximum glaciaire". Toutefois, des outils mis au jour récemment dans une grotte du Nord du Mexique et estimés à près de 30.000 ans étaient venus rebattre encore les cartes.
Une preuve solide
Ces traces de pas ont un avantage incontestable sur d'autres indices brandis pour étayer la thèse d'une occupation humaine bien plus précoce qu'on ne le pensait sur le continent américain : leur caractère anthropomorphique indéniable. Des résidus de repas, des restes de petits feux ou encore des fragments d'outils sont en effet susceptibles d'être interprétés comme des marques du passage de l'Homme alors que la nature elle-même pourrait en être à l'origine.
Cet épisode de glaciation est crucial car il est communément admis que les calottes glaciaires couvrant à l'époque la plupart du nord du continent ont rendu impossible, ou en tout cas très difficile, toute migration humaine en provenance d'Asie, par le détroit de Béring ou, comme le suggèrent de récentes découvertes, le long de la côte du Pacifique.