Homo neanderthalensis

L170009_HD0978939-630x0.JPGL'homme de Néandertal ou Néandertalien est un représentant fossile du genre Homo. Il a vécu en Europe et en Asie occidentale au Paléolithique moyen, entre environ 250 000 et 28 000 ans avant le temps présent. Durant plus d'un siècle à compter de sa découverte, les hypothèses émises à son sujet ont reflété les préjugés du moment : longtemps considéré comme une sous-espèce au sein de l'espèce Homo sapiens et nommé en conséquence Homo sapiens neanderthalensis, il a été ensuite considéré par la majorité des auteurs comme une espèce indépendante nommée Homo neanderthalensis. Or le séquençage partiel de l'ADN nucléaire néandertalien, effectué en 2010 par une équipe coordonnée par Svante Pääbo, tendrait à prouver un métissage ancien entre les hommes de Néandertal et les êtres humains anatomiquement modernes d'Eurasie1. Ces résultats pourraient donc remettre en question la thèse selon laquelle ces deux groupes correspondent à des espèces distinctes, du moins dans le cas précis des représentants anciens des deux espèces.

Premier homme fossile reconnu, premier être humain disparu distinct de l'Homme actuel, l'homme de Néandertal est à l'origine d'une riche culture matérielle appelée Moustérien, ainsi que des premières préoccupations esthétiques et spirituelles en Europe (sépultures). Après une difficile reconnaissance, l'homme de Néandertal a longtemps pâti d'un jugement négatif par rapport à l’Homo sapiens. Il est encore considéré dans l'imagerie populaire comme un être simiesque, fruste, laid et attardé. En fait, les progrès de l'archéologie préhistorique et de la paléoanthropologie depuis les années 1960 ont révélé un être d'une grande richesse culturelle, plus robuste que l’Homo sapiens, avec un cerveau légèrement plus volumineux en moyenne et mieux adapté à son milieu.220px-Sapiens_neanderthal_comparison_en_blackbackground.png

De nombreux points restent encore à élucider concernant notamment la date de son apparition ainsi que la date et les causes de son extinction après plus de 250 000 années d'existence. Certains outils découverts à Gibraltar et attribués aux Néandertaliens pourraient dater de 28 000 ans avant le présent (cf. infra). Toutefois une étude parue dans la revue Nature en 2014, basée sur des datations par le carbone 14 effectuées selon un protocole amélioré, indique qu'ils pourraient avoir disparu il y a environ 40 000 ans.

Langage et parole

L'aptitude physique au langage articulé des Néandertaliens a longtemps été controversée. Les discussions portent sur l'aptitude physique des Néandertaliens au langage, pour laquelle la morphologie de l'os hyoïde est importante. L'os hyoïde est un petit os qui maintient la base de la langue. Il est présent chez tous les mammifères mais, au sein de la lignée humaine, sa morphologie est déterminante pour l'aptitude à l'élocution. Très peu d'os hyoïdes de Néandertaliens ont été mis au jour : un premier a été découvert en 1983 à Kébara, sur le Mont Carmel en Israël (60 ka) et un autre dans le site d’El Sidron en Espagne (43 ka). Les deux os sont très peu différents de ceux des humains actuels. Des os hyoïdes appartenant à des pré-néandertaliens ont été découverts dans le site de la Sima de los Huesos à Atapuerca en Espagne (au moins 530 000 ans) ; ils ont également des caractéristiques proches de celui des Homo sapiens.

Même en faisant abstraction de cet argument de poids, de nombreux chercheurs considèrent que la complexité de l'outillage moustérien attribué à l'Homme de Néandertal est une preuve indirecte de ses capacités cognitives, incluant une forme de langage articulé.

Concernant le conduit vocal des Néandertaliens, Philip Lieberman maintient depuis 1971 que ceux-ci ne disposaient pas d'un pharynx de taille suffisante pour produire tous les sons que l'on observe dans les langues du monde. Malgré de nombreuses critiques concernant cette argumentation, cette théorie s'est largement diffusée pendant une trentaine d'années. À la suite d'une longue controverse, il semble que les arguments avancés par Lieberman ne sont plus tenables. La reconstruction anatomique du conduit vocal qu'il avait utilisée n'était pas réaliste et ses simulations peu convaincantes. Ce n'est pas la taille du pharynx qui permet de parler mais le contrôle des articulateurs (cordes vocales, langue, mandibule, voile du palais, lèvres). Les nouvelles simulations montrent bien que les Néandertaliens avaient la capacité physique de parler.

Une étude publiée en 200757 et portant sur l'analyse de l'ADN provenant des restes de deux Néandertaliens découverts à El Sidrón (Espagne) aurait permis d'y détecter la même version du gène FOXP2 (forkhead box P2) que celle présente chez les hommes modernes. Cela pourrait plaider en faveur de l'aptitude des Néandertaliens au langage puisqu'on estime que ce gène joue un rôle important dans le développement des parties du cerveau liées à la maîtrise du langage articulé.

Artisan de la pierre

220px-Racloir_silex.jpgIl est l'auteur d'un outillage complexe et élaboré, et notamment des industries du Moustérien. Ses méthodes de débitage apportent en outre la preuve de ses capacités d'abstraction et d'anticipation, en particulier en ce qui concerne le débitage Levallois. Les éclats obtenus par cette méthode ou par d'autres pouvaient être utilisés bruts ou bien retouchés, légèrement modifiés sur leurs bords pour obtenir des outils plus spécialisés tels que les racloirs ou les denticulés.

Des preuves directes (traces d'adhésif naturel en bitume ou en résine) ou indirectes (répartition des traces d'utilisation) montrent que certains outils étaient utilisés emmanchés. Les manches eux-mêmes, réalisés en matériaux périssables, n'ont pas été conservés. En revanche, des conditions particulièrement favorables ont permis la conservation de quelques objets en bois. Le plus spectaculaire est sans conteste un fragment d'épieu en if fiché dans le thorax d'un éléphant, mis au jour à Lehringen (Basse-Saxe). Dans le même site, ont été découverts des éclats Levallois ayant servi à découper de la peau et de la viande.

Il est probable que les derniers Néandertaliens soient les auteurs du Châtelperronien, un faciès culturel de transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur en Europe occidentale. Ce faciès est caractérisé par des comportements longtemps considérés comme propres aux hommes modernes : débitage de lames, utilisation de parure, fabrication d'outils en os.

Un grand chasseur

En 1981, l'archéologue Lewis Binford soutient une théorie selon laquelle les premiers hominidés (dont les Néandertaliens) jusqu'au Paléolithique moyen ne pratiquaient que la cueillette ou le charognage passif, seuls les hommes modernes pratiquant la chasse de grand gibier rapide. Cette théorie est aujourd'hui abandonnée.

Rares sont les preuves directes de la pratique de chasse aux grands herbivores par les Néandertaliens telles que le fragment d'épieu en if de Lehringen ou des pointes emmanchées en silex ou en os. En revanche, les sites livrent des accumulations impressionnantes d'ossements de grands mammifères (bison à Coudoulous, Lot et à Mauran, Haute-Garonne ; saïga en Crimée ; bouquetin dans la grotte du Lazaret ; Aurochs à La Borde, Lot ; chevalà Saint-Césaire, Charente-Maritime) ; elles sont interprétées comme le résultat de chasses saisonnières, parfois avec utilisation d'avens ou de fondrière comme pièges naturels. De plus, les analyses biogéochimiques sur le collagène osseux des Néandertaliens et des mammifères associés montrent une alimentation carnée proche de celle du loup, même en période tempérée. Chasseurs de grands mammifères, les Néandertaliens avaient des stratégies (communautés spécialisées dans la chasse de deux ou trois espèces, technique à l'approche ou à la poursuite de proies en fonction de l'âge et du sexe) qui attestent une parfaite connaissance de l'environnement et de l'éco-éthologie des animaux et un savoir-faire technique développé. Enfin les études anatomiques montrent leur adaptation à la chasse : ils étaient en effet trapus et musclés, et pesaient en moyenne 90 kg pour 1,65 m (hommes) et 70 kg pour 1,55 m (femmes).

La pratique ponctuelle d'un charognage actif (accès primaire à la carcasse en écartant les prédateurs – hyène des cavernes, loup, lion des cavernes – ou en recherchant les animaux morts dans des pièges naturels) a également été évoquée, notamment pour les grands mammifères (mammouth, rhinocéros laineux).

Naissance de l'art

Au Paléolithique moyen apparaissent également les premières manifestations de préoccupations esthétiques ou symboliques :

  • collecte de fossiles ou de minéraux rares ;
  • utilisation d'ocre (même si dans certains cas des utilisations fonctionnelles peuvent être évoquées) ;
  • utilisation de plumes comme le montre la disposition des traces de découpe sur les ossements d'oiseau de la grotte de Fumane en Italie ;
  • gravure de traits, de lignes ou de signes géométriques simples sur des os ou des pierres.

220px-Neanderthal_Engraving_(Gorham's_Cave_Gibraltar).jpgEn septembre 2014, la découverte dans la grotte de Gorham (Gibraltar) de formes géométriques gravées sur une paroi recouverte de sédiments datant de plus de 39 000 ans est annoncée par l'équipe de Clive Finlayson. Elles constituent le premier exemple connu d'art pariétal abstrait attribué aux Néandertaliens. Leur réalisation a nécessité plusieurs centaines de passages de la pointe d'un outil de pierre taillée, probablement de silex.

La reconnaissance progressive de la culture néandertalienne remet en cause la primauté culturelle de l'homme moderne : alors que l'on pensait il y a peu que la culture technique et symbolique des Néandertaliens était très nettement inférieure quantitativement et qualitativement à celle de l'Homo sapiens, les découvertes récentes font apparaître que l'Homme de Néandertal avait lui aussi développé certaines techniques évoluées (débitage de lames) ou adopté des traits culturels modernes (sépultures, signes gravés). La thèse du rôle capital de l'arrivée de l’Homo sapiens en Europe et celle d'une corrélation entre l'évolution biologique et l'évolution culturelle expliquant le plus grand développement de l’Homo sapiens par son évolution biologique s'en trouvent donc remises en question.

Extinction

Les Néandertaliens auraient disparu il y a environ 29 000 ans, voire 40 000 ans ; il n'y aurait pas eu une extinction massive mais une disparition progressive à des périodes différentes selon les régions. Leur disparition demeure encore en partie inexpliquée et a suscité de nombreuses hypothèses, certaines faisant intervenir des modèles mathématiques ou économiques. Ce phénomène coïncide apparemment avec l'arrivée de groupes d'hommes anatomiquement modernes ayant quitté le Proche-Orient pour l'Europe il y a environ 40 000 ans, sans doute à la faveur d'un épisode climatique tempéré de la dernière glaciation. Ces hommes modernes, parfois appelés « Hommes de Cro-Magnon », sont porteurs d'une nouvelle culture matérielle, appelée Aurignacien et caractérisée par la généralisation du débitage laminaire et lamellaire, l'utilisation du percuteur tendre pour ces débitages et la fabrication d'outils en matières dures animales (notamment des pointes de sagaies en os). Les hommes de l'Aurignacien sont également les auteurs des plus anciennes œuvres de l'art pariétal et mobilier d'Europe.

Les Hommes de Néandertal et les Hommes modernes ont probablement cohabité ainsi pendant quelques millénaires, même si aucune trace directe d'interaction n'est perceptible dans la culture matérielle.

Source : Wikipedia